Ne vous trompez pas de persona !
Publié sur HBR.fr Janv 2018
De nombreux utilisateurs de l’outil « persona » sont tombés dans le piège qu’il est pourtant censé permettre d’éviter.
Théorisées dans les années 1990 par Alan Cooper, les « personas » sont des portraits robots de futurs clients ou utilisateurs. Leur première vocation a d’ailleurs été d’aider au développement de logiciels en prenant en compte le point de vue des utilisateurs plutôt que celui des informaticiens. Les personas sont donc des représentations archétypales des utilisateurs cibles, produites au terme d’une démarche d’étude permettant de comprendre qui ils sont et quels sont leurs buts dans une situation donnée. Chaque portrait synthétise ainsi les besoins d’un groupe d’individus aux comportements proches au moyen d’une personne fictive, inspirée par les caractéristiques de personnes bien réelles. Par exemple, pour évaluer une nouvelle application de gestion de cave à vin, Monsieur Dupond, chef d’entreprise retraité et collectionneur de bonnes bouteilles, et Monsieur Durand, fonctionnaire et bon vivant, sont deux personas qui auront des critères d’appréciation du service sensiblement différents. Les développeurs de l’application devront donc les prendre en considération s’ils veulent faciliter leurs usages les plus courants.
Un persona est ainsi constitué d’une trame narrative illustrée, qui décrit un individu et ses interactions avec son environnement. Pour incarner un persona, chaque fiche descriptive comporte, par exemple, son nom, son métier, ses caractéristiques socio-démographiques, ses motivations, ses buts, ses valeurs, ses challenges, ses aptitudes, etc. On y trouve aussi, parfois, les tâches qu’ils cherchent à effectuer au cours de leur parcours d’utilisateur ou d’acheteur.
Ces portraits, agrémentés d’illustrations, invitent les métiers impliqués dans la définition d’un nouveau produit ou d’un nouveau service à sortir de leurs débats d’experts pour se concentrer sur les comportements attendus de l’utilisateur cible. En utilisant des personas, les équipes font de meilleurs choix de conception ; elles évitent le piège de vouloir plaire à tout le monde (donc à personne) ou de privilégier leurs propres envies de spécialistes.
Une méthode victime de son succès
Outre leur rôle d’aide à la priorisation, les personas permettent aussi de créer une relation empathique avec l’utilisateur sans pourtant qu’il participe aux réunions de conception. Elles ajoutent une dimension émotionnelle à la conception, contrebalançant des réflexes métiers bien souvent fonctionnels. Voilà pourquoi les personas ont connu un succès bien au-delà du développement logiciel. La notion d’utilisateur s’est ainsi progressivement étendue à celle de client, d’acheteur, de consommateur ou d’audience. On retrouve les personas dans autant de disciplines que de méthodes associées : marketing (segmentations, brand content), expérience client et commercial (parcours d’achat, cérémonies de vente), innovation et développement (design thinking, lean start-up), web design et e-commerce (UX).
De nombreuses variations, inspirées de la méthode originale (celle de l’ouvrage « About Face » d’Alan Cooper), cohabitent donc aujourd’hui. Les débats d’experts qui en découlent se concentrent sur la manière d’aboutir au choix d’un ou plusieurs personas, et sur la dimension scientifique de la sélection de leurs caractéristiques. Car pour documenter ces choix, la méthode peut intégrer des sources aussi variées que des observations ethnographiques, de l’analyse de données d’enquête, de la data comportementale ou des interviews d’experts.
Pourtant, aujourd’hui, nombreux sont ceux qui ignorent ce processus d’étude en amont ou qui sont tentés de le raccourcir en remplissant directement les cases du portrait en suivant leur « bon sens ». Ce faisant, ils obtiennent l’inverse de l’effet recherché : ils modélisent un utilisateur idéal, façonné selon leur propre désir, qui ne reflète en rien les comportements de l’utilisateur réel. D’où l’émergence de nombreuses déconvenues avec des personas inventés ou dont la forme s’est révélée peu opérante auprès des équipes. Prenons l’exemple des segmentations marketing qui décrivent le style de vie d’« Annie la battante » ou de « René le prudent » mais qui ne permettent pas à la R&D de prendre des décisions, faute de préciser leurs comportements détaillés en situation. Par ailleurs, combien de vendeurs se sont moqués des « stéréotypes » diffusés par les équipes customer experience, voire ont refusé de suivre les scripts de vente associés, au motif que ces personas « n’existent pas dans la vraie vie » ?
A chaque usage ses personas !
Chez BVA nous avons conçu différents modèles de personas, adaptés aux fonctions utilisatrices : pour découvrir leurs nuances, je vous invite à retrouver l’article intégral publié dans HBR en cliquant sur le lien suivant